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Lettre ouverte à « inverti.fr »

Paris, le 24 septembre 2019

ACTIONS TRAITEMENTS est une association dédiée à l’information, l’accompagnement, le soutien et la défense des droits des personnes vivant avec le VIH et/ou une hépatite. A ce titre, nous sommes particulièrement scandalisés par la teneur d’un article publié par le « média » inverti.fr « PrEP et capotes les amiEs… pas d’autre option. Car nous, nous n’aimons pas avoir de telles nouvelles » et relayé sur ses réseaux sociaux ce lundi 23 septembre 2019. Nous publions ci-dessous une lettre ouverte, à l’attention des responsables de cette publication.

En 2019, malgré les avancées thérapeutiques qui ont bouleversé la vie avec le VIH et sa prise en charge, le VIH reste toujours synonyme de préjugés et représentations particulièrement négatives dans la société. Les personnes concernées sont toujours victimes de stigmatisation et de discrimination en raison de leur statut sérologique : discrimination dans l’accès à certaines professions, refus de soin de la part de professionnels de santé mal informés, stigmatisation dans leur vie quotidienne affective et sexuelle. Pour toutes ces raisons, les personnes vivant avec le VIH sont encore vulnérables et sont plus souvent victimes d’isolement et de troubles psychologiques (anxiété, dépression, etc.) que la population générale.

A quel moment, donc, avez-vous penséque les personnes découvrant leur séropositivité avaient besoin qu’on leur « botte le cul », comme vous le suggérez ? Au contraire, elles ont besoin d’être écoutées, soutenues et accompagnées dans ce qui s’apparente à un bouleversement de leur vie, que ce soit au moment de la découverte de leur séropositivité, ou tout au long de leur parcours de soin.

Les mots que vous employez sont exactement ceux auxquels des personnes sont encore confrontées, à l’occasion d’un dépistage du VIH ou d’une découverte de séropositivité : « vous avez encore fait des bêtises ! », « ce n’est pas très sérieux », « si vous vous étiez protégé ce ne serait pas arrivé », etc. Ces paroles sont blessantes et infantilisantes pour celles et ceux qui les reçoivent. Pire, elles peuvent les pousser à s’éloigner du soin, avec comme conséquences : retard à la mise sous traitement antirétroviral, réplication du virus dans l’organisme, dégradation de l’état de santé et maintien d’une charge virale détectable ; situation dans laquelle elles peuvent encore transmettre le VIH à leur(s) partenaire(s).

Parce que l’enjeu, que vous ne semblez pas connaitre est bien là : encourager les personnes à se faire dépister aussi souvent que possible. C’est un des moyens qui permettra d’atteindre la stratégie de l’OMS (90 / 90 / 90) pour arriver à l’objectif qu’au moins 90% des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique et bénéficient ainsi d’une prise en charge efficace.

A quel moment, également, avez-vous penséque les personnes découvrant leur séropositivité avaient besoin qu’on leur renvoie des images d’un autre temps sur la perspective d’une mort certaine et prématurée ? Si vous aviez pris la peine de vous renseigner, vous sauriez qu’aujourd’hui une personne vivant avec le VIH et mise sous traitement antirétroviral rapidement retrouve une espérance de vie identique à celle de la population générale. Et surtout, ce traitement lui permet de maitriser la réplication du virus jusqu’à rendre sa charge virale indétectable. Au-delà de l’intérêt pour sa propre santé, c’est aussi lui enlever une lourde culpabilité car dans ces conditions, elle ne peut plus transmettre le virus à son ou ses partenaire(s).

Enfin, à quel moment avez-vous penséque vous pouviez vous permettre de « lui en vouloir » pour quoi que ce soit ? Il faut du courage et une sacrée force de caractère pour livrer ce genre de témoignage. Même en 2019, pour toutes les raisons expliquées précédemment. Nous vous suggérons donc, à l’avenir, de bien vouloir éviter de partager votre sentiment sur la vie de personnes que vous ne connaissez pas. Ces personnes, en rendant leur statut sérologique visible, contribuent bien plus que vous à sortir le VIH d’une image rétrograde et honteuse dans laquelle il est encore trop souvent cantonné… notamment à cause d’articles comme celui que vous avez publié.

En tant qu’association de patients, nous vous invitons à mesurer la portée de vos propos avant de publier ce genre d’article contre-productif. Cela ne fait qu’ajouter à la stigmatisation dont les personnes vivant avec le VIH sont encore victimes, et ne fait que les éloigner du dépistage et du soin. Globalement, cela nuit considérablement à la lutte contre l’épidémie de VIH et la sérophobie.

Franck Desbordes,

Président d’Actions Traitements

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Voici le texte de l’article dans son intégralité.

Inverti.fr le 23 septembre 2019

 « PrEP et capotes les amiEs… pas d’autre option. Car nous, nous n’aimons pas avoir de telles nouvelles.

[Séropo]

C’est ainsi qu’il nous l’a annoncé. Nous, ce frère, cet homme, nous en sommes fier. Pourtant, son cul, nous devrions le botter. Nos bras, nos âmes et notre amitié sont à lui. Bien que ses larmes, sa sueur, sa salive, son amour, nous le partageons.

Bien sûr que nous sommes fiers de lui et que toutes ses fantaisies ne sont pas les miennes, mais qu’il sait qu’il a nos bras. Il est notre frère.

Mais là, nous lui en voulons un tout petit peu.

Pense-t-il vraiment que je vais soutenir ma main droite levée sur son cercueil ? Accepterait-il ce jeune frère voir le vieux barbon ouvrir son livre et pleurer ? C’est à lui de vous parler.

Nous t’embrassons cher frère. Les larmes coulent… de rage. Mais, nous sommes touTEs là pour toi. Mais, par pitié, protégez-vous. »