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5 juillet 2021 - Actions Traitements, association de patients VIH et co-infections
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Source : Futura Sciences

Il a fallu moins de six mois pour mettre au point un vaccin contre le SARS-CoV-2, un virus jusque-là inconnu. Mais pour le VIH, découvert en juin 1981, il n’existe toujours aucun vaccin efficace. Monsef Benkirane, directeur de recherche à l’Institut de génétique humaine au CNRS, nous explique pourquoi toutes les tentatives ont jusqu’ici échoué.

Le 5 juin 1981, un nouveau type de pneumonie affectant les individus immunodéprimés est signalé aux États-Unis. Le début d’une épidémie qui fera 33 millions de morts dans le monde en 40 ans. Pourtant, les chercheurs étaient plutôt optimistes au départ. « Le Sida est sur le point d’être vaincu. Les Américains ont dépensé 75 millions de dollars en recherche et on peut penser qu’un vaccin sera mis au point dans les deux ans à venir », affirmait le journal d’Antenne 2 en 1984. Depuis, les désillusions se sont succédé et le virus a déjoué toutes les tentatives de vaccin. Monsef Benkirane, directeur de recherche à l’Institut de génétique humaine au CNRS de Montpellier, nous explique pourquoi le VIH résiste toujours.

Futura : Il est quand même frappant de constater qu’on a pu développer plusieurs vaccins contre le SARS-CoV-2 en moins de six mois alors que 40 ans n’ont pas suffi pour le Sida ?

Monsef Benkirane : D’abord, les vaccins contre le SARS-CoV-2 ne sont pas sortis de nulle part ! On oublie toute la recherche fondamentale qui a commencé il y a plusieurs dizaines d’années sur les ARNm et comment les délivrer. De plus, le fait que les individus infectés soient résistants à une réinfection nous prédisait que le développement d’un vaccin serait possible, ce qui n’est malheureusement pas le cas pour le VIH. Un individu infecté par le VIH peut se surinfecter par un autre VIH. Donc, dans ce cas, il va falloir faire mieux que le virus en matière de réponse immunitaire. Il est aussi important de noter que le développement du vaccin SARS-CoV-2 en six mois a été rendu possible grâce aux moyens financiers mis à disposition et à l’accélération des procédures administratives.

Futura : Le SARS-CoV-2 et le VIH sont deux virus à ARN. En quoi sont-ils tellement différents ?

Monsef Benkirane : Les deux virus n’ont en fait pas grand-chose en commun. Le VIH est un rétrovirus qui transcrit son ARN en ADN, grâce à une enzyme nommée transcriptase inverse, et l’intègre au génome de la cellule, grâce à une autre enzyme virale nommée intégrase. De plus, le VIH cible précisément les cellules TCD4, qui sont le « chef d’orchestre » de la réponse immunitaire. L’infection par le virus désorganise donc complètement la réponse immunitaire. L’autre problème, c’est que le VIH va se loger dans les lymphocytes et rester en « dormance », constituant ainsi un réservoir viral stable prêt à se réactiver.

« À côté des mutations du VIH, les quelques variants du SARS-CoV-2, c’est de la rigolade ! »

Futura : Pourquoi les anticorps ne détruisent pas le virus ?

Monsef Benkirane : Comme avec n’importe quel virus, l’organisme déclenche bien une réponse immunitaire forte contre le VIH. Celle-ci est efficace au début de l’infection. Le problème, c’est la transcriptase inverse produit un nombre incroyablement élevé d’erreurs lors de la réplication : environ une erreur toutes les 1.000 bases lors de la synthèse de l’ADN à partir de l’ARN viral. Sur un génome de virus qui compte 10 kilobases, vous imaginez le nombre de variants que cela produit ! Chez une même personne, on peut ainsi avoir des milliers voire des millions de variants qui coexistent. À côté, les quelques variants du SARS-CoV-2, c’est de la rigolade ! Autant dire que le VIH gagnera toujours la guerre qui s’engage avec la réponse immunitaire de l’hôte.

Futura : Pourquoi ne peut-on pas injecter une protéine de surface « Spike » pour faire produire des anticorps comme avec le SARS-CoV-2 ?

Monsef Benkirane : C’est bien sûr une piste qui a été testée. Pour induire des anticorps neutralisants, il faut cibler les parties du virus qui lui permettent de bloquer le site de liaison avec la cellule ou d’empêcher sa fusion avec la membrane. Malheureusement, ces régions sont peu immunogènes (elles ne génèrent pas beaucoup d’anticorps) et peu accessibles sur l’enveloppe du VIH-1 contrairement à l’enveloppe « Spike » du SARS-CoV-2.

Futura : Quelles autres approches ont été tentées pour le vaccin ?

Monsef Benkirane : À peu près toutes les stratégies classiques et intuitives ont été testées sans succès : protéines ou peptides de l’enveloppe virale sous forme recombinante, vaccins à base de vecteur viraux (comme l’adénovirus utilisé dans le vaccin AstraZeneca pour le SARS-CoV-2) ou encore vaccins ADN. On s’est même demandé s’il était possible d’induire une réponse cellulaire, en activant les cellules TDC4. L’essai clinique a dû être rapidement stoppé, car on s’est aperçu qu’en activant ces cellules, on « nourrissait » le VIH en même temps puisqu’il cible précisément les TDC4.

Futura : La mise au point d’un vaccin contre le Sida est donc impossible ?

Monsef Benkirane : Pas du tout ! Au contraire, je suis plutôt optimiste. On y arrivera grâce à une recherche fondamentale et clinique ambitieuse associée à des approches très innovantes. Par exemple, en France, des chercheurs du VRI (Institut de recherche vaccinal) à Paris ont démarré un essai clinique avec une toute nouvelle approche : il s’agit de cibler les cellules dendritiques, qui servent de « sentinelles » au système immunitaire. Ces cellules vont reconnaître les antigènes et activer les cellules « naïves » de l’immunité. D’autres essais cliniques en cours visent à induire la fabrication d’anticorps neutralisants à large spectre (bNAbs), qui ciblent plusieurs souches du virus à la fois.

Futura : Tous ces échecs ont-ils été totalement vains ?

Monsef Benkirane : Non, au contraire ! La recherche sur le Sida a d’abord permis de mettre au point des trithérapies extrêmement efficaces. Avant cela, le virus affichait une mortalité de 99 %. Aujourd’hui, 37,6 millions de personnes dans le monde vivent avec le VIH et la mortalité a chuté de 61 % depuis 2004. La recherche sur le Sida a également permis des progrès considérables pour la mise au point des traitements contre l’hépatite C et l’hépatite B ou pour la thérapie génique. Le jour où on trouvera un vaccin contre le Sida et où on aura réglé le problème d’antibiorésistance, nous aurons fait une percée majeure dans notre compréhension de l’immunité et la vaccinologie.